Le Bulletin de l’APM

Volume X, numéro 1, printemps 2020

 

Normalement – mais les temps ne sont pas normaux – nous vous annoncerions la prochaine lecture d’archives pour célébrer la Journée internationale des archives le 9 juin. Circonstances obligent, il faut annuler cette activité cette année.

Depuis le dernier Bulletin, notre archiviste Rachel Marion a traité les fonds suivants : Pierre-Andrée Morin (APM64), Marcel Coulombe (APM66), Serge Caza (APM68) et Sybil Dash (APM73). Nous avons aussi accueilli de nouveaux fonds qui seront bientôt traités : Clairmont Bergeron (APM72), Gisèle Guertin (APM75), Famille Stanton (APM76), Thérèse LeBlanc (APM77), Guy Ménard (APM78) et Jacob Boucher (APM79).

Dans ce numéro, nous traitons d’un sujet d’actualité, l’épidémie d’influenza de 1918-1920. On trouve aussi des comptes-rendus des fonds Morin (APM64), LaRoquebrune (APM58) et Caza (APM68).

 

Nous vous invitons à tenir un journal de la présente pandémie. Des gens connus, surtout des gens de lettres, n’y manquent pas, mais il faudra se rappeler comment les gens anonymes ont vécu le confinement et toutes les contraintes imposées. Tous les témoignages seront importants pour les gens qui voudront reconstruire l’expérience au jour le jour de la population en général.

 

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L’influenza de 1918 aux Archives Passe-Mémoire

 

Pendant des siècles, plusieurs générations ont vécu des pandémies. La peste d’abord, mentionnée dans la bible, qui a fauché une partie de l’Empire romain, puis l’Europe médiévale amputée du tiers de sa population au XIVe siècle, et qui revient de façon sporadique et décime Londres en 1685. Celle-ci est bien documentée et décrite dans le journal personnel de Samuel Pepys, un des plus célèbres journaux personnels avant le XIXe siècle. Plus près de nous, en 1885 à Montréal, l’épidémie de vérole, dont parle Joséphine Marchand dans son journal, tue 5864 personnes. Au XXe siècle, la grippe espagnole de 1918-1920 frappe tous les continents. Cette grippe n’avait rien d’espagnol : en 1918, elle frappait indifféremment les troupes alliées et ennemis sans qu’aucun côté ne voulût l’admettre, et comme l’Espagne était resté à l’écart du conflit, on l’appelât espagnole. Du 1er octobre au 8 novembre 1918, on a enregistré 3028 décès à Montréal.

Les mesures adoptées pendant la présente pandémie de la Covid-19 nous ont pris par surprise car la mémoire s’était perdue de celle qui s’est abattue sur la planète à l’été 1918.

Aux APM, certains journaux personnels, quelques lettres y font allusion. Sr Saint Cécilius (Marie Glaphire Legault APM12), de la Congrégation Notre-Dame, dont les APM possèdent plus de trente lettres, est victime de l’influenza, dont elle n’a laissé aucun témoignage, et décède en octobre 1918. À Saint-Philippe-de-Néri, Aimée Bouchard-Bérubé (APM46) a 26 ans quand elle est atteinte, mais elle se rétablit. Cécile Rivard (CA27), dans son autobiographie, évoque l’année de ses quatre ans en 1918. Et surtout, l’institutrice Anna-Marie Tousignant (CA26), 21 ans, vivant à Leclercville, dans Lotbinière, la rend omniprésente dans son journal intime. Au fil des entrées écrites entre le 9 octobre 1918 et le 27 février 1919 octobre, on peut apercevoir la progression de la maladie et celle de la peur dans un petit village du Québec. Elle rend compte aussi des différentes stratégies (spirituelles et temporelles) utilisées par les villageois pour tenter de se prémunir de la maladie.

 

Extraits du journal d’Anna-Marie Tousignant de Leclercville :

« Enfin verrons-nous la fin de cette triste guerre qui nous afflige depuis quatre ans. La ‘grippe espagnole’ est peut-être la conclusion de tout cela, qui sait? Les décrets du Maître seront toujours incompréhensibles. » 9 octobre 1918.

« Je suis accablée. Serait-ce la grippe espagnole qui s’empare de moi? J’ai peur… Mon dieu ayez pitié de moi. Je dois vivre encore… Il faut que je gagne mon ciel et c’est là que je veux aller. L’épidémie est rendue dans la paroisse. Dix cas sont déclarés, 1 personne morte, 4 mourantes. » 10 octobre 1918

« La grippe esp. fait beaucoup de victimes. J’ai réellement peur… Je suis si peu bien depuis quelque temps. » 16 octobre 1918

« L’épidémie continue ses ravages. Beaucoup de personnes sont atteintes dans la paroisse. Mon sacrifice est fait. Je puis mourir si telle est la volonté du Seigneur. Je le quitterai sans regret ce monde d’iniquité où tout me répugne. » 18 octobre 1918

« La grippe espagnole fait de sérieux ravages. Plusieurs personnes en meurent… » 20 octobre 1918

« Le terrible fléau continue ses ravages… un jeune garçon du village vient de mourir. Grand Dieu, tu nous donnes une bonne leçon, va. » 21 octobre 1918

« Oh! Qu’elle est terrible cette fameuse grippe espagnole. Une jeune fille du village meurt aujourd’hui. Elle meurt après s’être dévouée à sa mère. Chère âme, soit heureuse !!! Beaucoup de personnes que je connais disparaissent tour à tour, d’autres sont très souffrantes. J’en suis de plus en plus affectée. Je suis très bien portante. Les petits enfants sont malades cependant.» 22 octobre 1918

« Ma santé est très bonne. Je ne cours plus après le mal, loin de là. Je prends tous les moyens possibles pour l’éloigner de moi, des miens. Aujourd’hui, j’ai commencé un ménage complet dans toute la maison. Je mets des désinfectants partout : formaline, térébenthine, camphre, etc. Nous prenons, nous, un purgatoire de 9 jours et faisons usage de ‘Bromo-quinine » afin de tenir la fièvre éloignée. » 23 octobre 1918

« Je berce les pauvres petits enfants du grand frère qui sont encore languissants, mais ils vont mieux. Au sujet de la grippe esp. ça va mieux, dans mon village surtout. » 24 octobre 1918

« L’épidémie diminue. Mon vœu est que cela continue et que la vie reprenne son cours normal. » 25 octobre 1918

« Grazie va toujours bien, mais elle a été proche de la mort à 105 degrés de fièvre… on a besoin de moi là-bas, mais je n’y vais pas le temps que durera l’épidémie. Papa ne veut pas. » 1er novembre 1918

« Grazie est hors de danger a dit le médecin; mais elle est excessivement faible, tellement qu’il faut qu’elle soit veillée à chaque minute ». 5 novembre 1918

« On dirait que la grippe espagnole veut s’établir ici. Presque tout le monde est malade à part de moi. » 2 décembre 1918

« Si ce n’est pas la grippe espagnole que ma belle-sœur et ses enfants ont, c’est toujours une forte grippe canadienne. Nous devons prendre des mesures de précaution exigée par le bureau d’hygiène afin d’être en règle et d’éviter les jasements du monde. » 3 décembre 1918

« Plus de grippe espagnole dans la maison mais la paroisse entière est massacrée. Les écoles et l’église sont de nouveau fermées. L’épidémie se fait-elle seulement sentir par ici? Je viens d’apprendre que la femme de Raoul Tousignant est bien malade, elle a 104.5 degrés de fièvre. » 7 décembre 1918

« Pauvre Raoul. Le voilà veuf… hélas, oui. Sa femme morte hier de la grippe espagnole fut enterrée tantôt. Son service aura lieu plus tard, c. à d. quand la famille atteinte de l’Épidémie sera mieux. Mourir à 20 ans, laissant un mari, un enfant… La grippe esp. continue ses ravages dans la paroisse, beaucoup de malades sont à leur dernière extrémité. » 9 décembre 1918

« La grippe espagnole reprend tout comme l’automne dernier. Il y a beaucoup de malades ici et là. On dit qu’à Lotbinière, il y a eu trois services ce matin. La guerre n’a pas suffi à satisfaire la justice divine, il faut de nouveaux fléaux. » 27 février 1919

 

Anna-Marie Tousignant sera épargnée. En 1920, elle épousera Jean-Baptiste Clouthier, son fiancé à qui elle a dédié son journal.

 

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Autres extraits des APM sur l’Influenza de 1918

 

Aimée Bouchard-Bérubé (APM46) : « L’influenza fait des ravages partout, pour quelque temps la grand’messe du dimanche est remplacée par une basse messe. Je vais passer un mois à la maison paternelle pour faire traiter ma grippe. » Journal personnel, octobre 1918.

 

Cécile Rivard (APM27), Roberval « La terrible grippe espagnole. On a été épargnés chez nous car maman désinfectait tout, lavait les planchers tous les jours et chacun avait un petit carré de camphre que ma mère nous avait glissé dans notre scapulaire, sur ce scapulaire il y avait une image sainte imprimée… Nous portions de grosses camisoles sur lesquelles on attachait avec une petite épingle dorée notre scapulaire, car les cordes qui retenaient habituellement ces carrés de feutrine ne tenaient pas longtemps. Ce symbole était censé nous protéger de la maladie ou des accidents, que de jambes cassées on a vues avec le scapulaire dans le cou. » (CA27), autobiographie.

 

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L’influenza de 1918 à travers le journal de Marie-Louise Globensky

 Dame de charité, mère de neuf enfants1 et de nombreux petits-enfants, la bourgeoise catholique Marie-Louise Globensky (1849-1919) a 69 ans lorsque l’épidémie d’influenza frappe le Québec en 1918, en pleine Première Guerre mondiale. À travers les entrées de son journal intime, écrites en octobre et novembre 1918, on peut percevoir les échos intimes de cette pandémie qui tua 3500 Montréalais.e.s, 14 000 Québécois.e.s et 55 000 Canadien.ne.s.

À l’automne 1918, le journal qu’elle tient depuis trois décennies2 prend en effet un ton inquiet. « Il y a […] beaucoup de grippe, celle qui nous vient de l’autre côté est maligne, les médecins en sont alarmés », écrit-elle le 27 septembre. Quelques jours plus tard, le 8 octobre, elle écrit :

L’épreuve du moment est bien lourde, cette grippe fait bien des victimes. Notre chère petite Marguerite en est atteinte. Nous appelons le médecin, il faut la mettre au lit et suivre un fort traitement. […] Voici tous les pensionnats en quarantaine. Tous les théâtres et lieux de réunion fermés, les églises-mêmes n’auront que la basse-messe. Enfin, il faut cela paraît-il pour enrayer ce fléau qui nous atteint et parcourt le monde entier.

Dans les jours qui suivent, elle parle de ses proches atteint.e.s, surtout des jeunes. Chez sa fille Jeanne, écrit-elle, « quatre de ses enfants sont rétablis et les trois autres sont tombés » Chez son aînée, Marie3, les enfants ont été « si malades ». Le 27 octobre, elle écrit : « Tous nos petits-enfants ont été au lit, mais grâce à Dieu pas une perte de vie pour nous ». Ni Marie-Louise Globensky ni son mari, le juge Alexandre Lacoste, ne semblent avoir contracté le virus. Plusieurs de leurs concitoyens sont moins chanceux : « Des familles entières en sont atteintes et les morts ne se comptent plus. Que de deuils de tous côtés », écrit-elle le 16 octobre, au sommet de l’épidémie.

Quelques jours plus tôt, le 12 octobre, elle avait raconté la mort tragique du jeune Dr Jules Frémont, frère de son gendre, qui a attrapé la maladie à Québec, où « l’épidémie sévit avec fureur ». « Le Dr Frémont […] vient de mourir. Il succombe en vaillant combattant, victime de son devoir. Il prit la maladie en soignant lui-même la cruelle maladie. Il laisse sa jeune femme après six mois de mariage, leur bonheur était parfait. Comment sonder les desseins de la Providence. », écrit-elle, ébranlée par ce drame.

À travers son journal, Globensky laisse voir le dévouement des religieuses, qui sont appelées en renfort en raison du manque de soignant.e.s. « Mgr Bruchési permet à toutes les religieuses des couvents d’agir comme garde-malades dans les familles affligées, beaucoup manquaient d’aide, ce qui est très pénible. C’est un grand dévouement qui rendra d’immenses services », écrit Marie-Louise Globensky, le 17 octobre. Plus tard, lorsque l’épidémie commencera à reculer et qu’on rendra hommage aux victimes, elle reconnaîtra que parmi les 35 personnes décédées dans son quartier, il y avait de nombreuses religieuses.

Le journal de Globensky laisse aussi entrevoir les procédures de désinfections après le passage de la maladie. « Notre petite Marguerite a été désinfectée aujourd’hui, nous l’avons changée de chambre pour désinfecter la sienne », écrit-elle le 16 octobre. Il illumine aussi d’autres mesures particulières, comme l’ouverture d’une annexe séparée à l’hôpital Sainte-Justine, fondé en 1907 et dirigé par sa fille Justine Lacoste-Beaubien, pour recevoir les petit.e.s malades de l’influenza. « À la demande de la ville, l’Hôpital Sainte-Justine, ne pouvant recevoir les enfants atteints de la grippe ouvrira une salle pour les recevoir en dehors de l’hôpital qui sera desservie par son personnel. C’est une entreprise qui donne beaucoup à faire », écrit Globensky le 16 octobre.

Pour vaincre l’angoisse de la pandémie, Marie-Louise Globensky se réfugie dans les stratégies qui ont été siennes tout au long de sa vie : écrire (son journal et sa correspondance) et prier. Ainsi, en octobre et novembre 1918, elle passe des après-midis à « faire sa correspondance », notamment pour transmettre ses sympathies aux ami.e.s et connaissances éplorées. Elle passe aussi beaucoup de temps avec Dieu. Le 9 octobre, elle écrit : « Je suis allée à la messe et j’ai communié pour mes chers malades. J’ai aussi imploré la Vierge du Rosaire en lui laissant une neuvaine de lampes qui nous préserveront, j’espère. » Le 16 octobre : « Ce matin, j’ai eu le bonheur de communier. Que de supplications adressées à Dieu, pour tous les nôtres, nos chers malades. Puisse-t-il nous faire miséricorde et détourner de nous l’horrible fléau ».

 

En 1918, l’épisode critique au Québec, dure environ deux mois, entre la mi-septembre et la mi-novembre. Il trace une courbe épidémiologique très prononcée. Dès le 30 octobre, soit six semaines après l’arrivée de la maladie dans la province et deux semaines après le pic de l’épidémie, Marie-Louise Globensky parle de l’essoufflement du virus.  « La maladie diminue quelque peu cependant encore grand nombre de mortalités ». Dix jours plus tard, le 9 novembre, elle écrit: « La grippe est contrôlée, il en reste quelques cas isolés. Tout va reprendre son cours ». Le surlendemain, arrive la grande nouvelle de la signature de l’armistice. « [V]oilà vraiment la fin de l’épouvantable guerre. Nous allons donc enfin respirer à l’aise […] », écrit Globensky.

La vie reprend effectivement son cours normal vers la fin de novembre. Jusqu’à ce que frappe une autre vague d’influenza, moins forte que la première, à l’hiver 1920. Un « écho » dont Marie-Louise Globensky n’a pas pu témoigner puisqu’elle était décédée des suites de problèmes cardiaques en décembre 1919, à 70 ans.

Sophie Doucet, Chercheuse postdoctorale à l’Université Concordia

 

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COMPTES-RENDUS

de fonds déposés aux APM

 

FONDS LA ROQUEBRUNE APM58

Il n’est pas rare de découvrir des poèmes à l’intérieur d’un journal intime, poèmes demeurés cachés entre les pages, ou autres envoyés le plus souvent à un être aimé. Il est moins fréquent de trouver une correspondance en vers. C’est cependant en poésie que La Roquebrune, pseudonyme du pharmacien Gilles Arthur Larocque, échange avec ses collègues du Cercle des poètes de la Montérégie. Qu’il signe « poétiquement vôtre » Et c’est aussi en vers que plusieurs de ses correspondants lui répondent. Tout est prétexte à versifier et on trouve toute une série de poèmes inspirés par les attentats du 11 septembre 2001.

Né à Buckingham, Larocque est élevé à Shawinigan, poursuit ses études en pharmacologie à l’Université Laval, pour s’établir plusieurs années à Saint-Marc-sur-Richelieu et finalement à Longueuil. Avant d’être poète, il était musicien. Pendant ses études, il est pianiste à la Porte Saint-Jean, cabaret bien connu de Québec, et il devient le chef d’orchestre de l’Université Laval. Son fonds contient un grand nombre de partitions, de chansons et autres compositions.

Membre du Collège des pharmaciens à partir de 1952, Larocque s’est impliqué activement dans les associations de pharmaciens tout en continuant à être pianiste-accompagnateur. À lire sa correspondance, on se demande où il a trouvé le temps, pour poursuivre ses activités artistiques, écrire quantité de poèmes et jouer un rôle de premier plan dans le Cercle des poètes de la Montérégie.

Dans cette collection de lettres en vers, on suit le processus de création, les ébauches, les annotations, car même ses lettres sont annotées. L’auteur est doué d’un bon sens de l’humour. Il n’hésite pas à intercaler des blagues et des observations empreintes d’ironie. Son abondante correspondance contient à la fois les lettres reçues et une copie de celles qu’il envoyait. On découvre ainsi sa générosité à prodiguer des conseils aux poètes qui lui faisaient parvenir leurs poèmes du Québec et d’ailleurs. Ce cénacle, si on peut l’appeler ainsi, tissait des liens avec des poètes de la francophonie et participait au « concours international de la poésie francophone » comme celui de 2000 qui avait pour thème « Imaginer l’internet de l’an 2010 ».

Le fonds La Roquebrune témoigne de la vie culturelle à l’extérieur des grands centres où la poésie et la musique tiennent une place importante dans la vie de tant de gens.

 

CITATIONS

« Nous ne pouvons rejeter dans l’oubli dix siècle de littérature. La poésie demeurera toujours un art merveilleux entre les mains de l’artiste, intolérable entre celles d’un ouvrier malhabile ou d’un mécréant prétentieux ». 19 avril 2000

 

« Nos politiciens sont de mauvais courtisans

De piètres amants imbus de leurs fantasme ».

 

« L’écriture dite poétique :

Un déluge de

jolis mots sans relations,

ou destination… »

12 février 2012

 

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FONDS PIERRE-ANDRÉ MORIN APM64

Membre du Cercle des poètes de la Montérégie, Morin entretient une longue correspondance en vers avec La Roquebrune à partir de l’an 2000. Avant d’être poète, il est chanteur et homme de théâtre. Son fonds contient de nombreuses photographies des opérettes montées au Théâtre lyrique de Boucherville dans lesquelles il se produit comme ténor. À partir de 1980, on peut voir les mises en scène et les splendides costumes, conçus par son épouse Marie-Adèle Thibault, de Ciboulette, Une nuit à Venise (1981), La Belle Hélène (1982), L’Auberge du Cheval blanc (1985), La Vie parisienne (1987), La Perle rare (1989), Le Médaillon (1991), et de la comédie musicale québécoise Mémoire en folie (1992) qui fut aussi jouée au Théâtre Saint-Denis à Montréal. Cette décennie de spectacles illustre le dynamisme du théâtre amateur en dehors des grands centres.

Morin a chanté à d’autres occasions, il est aussi représenté sur plusieurs photographies en couleur des fêtes du 325e anniversaire de Saint-Jean-sur-Richelieu.

 

CITATION

« S’il faut en croire les racines

Décorticons (sic) ce docte mot

‘épigramme’ et coupons primo

l’ ‘épi’, pas celui qu’on jardine.


 

‘Sur’ prise, il reste le mot ‘gramme’

Qui n’a pas de poids mais l’ ‘écrit’,

Bien fait, en toujours prescrit.

Ah ces Grecs que parfois l’on blâme »

12 septembre 2000

 

* * *

 

FONDS SERGE CAZA APM68

Vous l’avez peut-être rencontré, vous l’avez peut-être vu tendre la main au coin d’une rue, manger sa soupe à l’Accueil Bonneau, ou jouer de la trompette dans le métro. Depuis sa vingtaine, Serge Caza a souffert de maladie mentale et d’alcoolisme. Né sur une ferme à Saint-Anicet, déménagé à Montréal, il garde toujours contact avec sa sœur aînée, sa marraine et sa « mère spirituelle » ainsi qu’avec sa nièce. À travers cette correspondance, on suit son circuit infernal de l’hôpital à l’institution psychiatrique, des centres d’accueil aux foyers d’accueil, de la « ressource » à la résidence. Son « calvaire », comme il le dit. Pendant des années, il fréquente plus ou moins assidûment les Alcooliques Anonymes, et compte les jours où il ne touche pas à l’alcool : 109 exactement en 1988.

Caza est un homme attachant, empathique, qui s’informe toujours de la santé des uns et des autres. Croyant, catholique pratiquant, il cherche un réconfort dans la religion. Dans toutes ses lettres, on trouve toujours un peu d’espoir : il va se reprendre en main, aura une position stable, emménagera dans appartement, une meilleure maison de chambres, élabore des projets et des rêves amoureux, tous voués à l’échec. Il survit avec l’aide de l’État et de sa famille et de ce qu’il gagne dans le métro, - où il joue pour se « défouler », même si ce n’est que 1,50$ de l’heure un après-midi en 2006.

Au fil de ses lettres, on se rend compte de la force des liens familiaux : on ne l’a jamais abandonné, on l’héberge, une tante qui lui offre un logement abordable, on lui trouve une place dans un centre d’accueil près de sa famille, où il s’éteint en 2017, à l’âge de 75 ans.

 

CITATIONS

« J’ai un copain qui est à Hippolyte Lafontaine depuis 3 ans et qui considère l’endroit comme un maudit asile de fou et reste là avec des gens âgés et malades çà ne rien faire de lui, présentement sans but. De ma part, durant les quatre derniers mois que j’ai été là, j’ai dû lire une bonne quinzaine de livres, pris du soleil et des marches au grand air, fait du sport individuel et collectif et parlé avec beaucoup de gens préposés aux malades, infirmières, orienteur afin de pouvoir me dire un jour guéri. Tout cela pour te dire que je suis tanné de me faire vivre par le gouvernement ou la société ».

Pavillon Louis-Riel, 24 décembre 1983

 

« J’ai l’impression que mon calvaire achève ». Mai 2005

 

« Alors que j’étais encore aux soins intensifs à l’hôpital j’ai filé en douce pour me payer 3 ‘brosses’ monumentales il y a un an exactement. Mon médecin traitant m’a dit que j’ai failli en mourir ». 9 décembre 2012

 

Trompettiste

 

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EN VRAC

Piccolo Museo del Diary. Le Petit Musée du Journal intime.

En Toscane, à environ 70 kilomètres de Florence, le village de San Pieve de Santo Stefano recèle des trésors. Son Petit Musée, sous son titre modeste, est logé dans le Palazzo Pretorio du XVIe siècle où il abrite plus de 7000 fonds autobiographique.

Pendant la guerre, les habitants ont fui l’occupation nazie, mais à leur retour, voyant leur village presque entièrement rasé, ils ont entrepris de récupérer leur patrimoine par le biais des témoignages de « gens ordinaires ». Fondé en 1984, grâce à l’initiative du journaliste et auteur Savero Tutino, le musée recueille des journaux personnels, de la correspondance et des récits de vies et devient le dépositaire des Archives Pieve de Santo Stefano. Les histoires personnelles se mêlent à la mémoire des événements de la guerre telle que vécus par les habitants. Il s’agit d’un exemple unique de l’histoire telle qu’écrite par les personnes qui l’ont vécue.

Pour le bonheur des chercheurs et chercheuses, depuis 2016 l’ensemble des documents papier, quelque 840 000 pages, ont été numérisés. On trouve aussi du matériel audiovisuel, des installations interactives, et on peut ouvrir la vingtaine de tiroirs qui longent les murs et en manipuler le contenu.

 

Le Musée décerne annuellement le Prix San Pieve de Santo Stefano pour le meilleur manuscrit de journal ou de mémoires déposé aux archives.

 

Vaut le détour, comme dirait le guide.

 

Le musée a un site internet et une page facebook: https://www.piccolomuseodeldiario.it/

 

Les Archives Passe-Mémoire sont enregistrées comme organisme sans but lucratif. Elles sont soutenues par des bénévoles – sauf pour l’archiviste – et acceptent les dons. Les APM sont aussi reconnues comme un organisme de bienfaisance qui émet des reçus de charité pour l'impôt.

 

1 Elle en avait mis treize au monde, trois sont morts en bas âge et un à l’âge adulte. Parmi ses enfants, on compte la féministe Marie Gérin-Lajoie et la cofondatrice de l’hôpital sainte-Justine Justine Lacoste-Beaubien,

2 On peut le consulter dans sa version manuscrite ou tapuscrite à BAnQ Vieux-Montréal, Fonds Lacoste (P76).

3 Marie Gérin-Lajoie, pionnière du féminisme