Le Bulletin de l’APM

Volume VIII, numéro 2, hiver 2018

Si vous lisez ce Bulletin, c'est que vous vous intéressez aux écrits autobiographiques soit par simple curiosité, soit pour leur valeur patrimoniale, littéraire, ou sociologique. Nous vous signalons les nouveaux fonds récemment traités : Mireille Bluteau (APM55); Thérèse Francoeur et Normand Longchamps (APM56); Monique Gendron (APM48); Famille Bouchard-Lavoie (APM50); Familles Denis et Lessard (APM44), leur description se trouve sur le site internet des APM.

Ce numéro du Bulletin publie un compte-rendu du Journal d'Azélie Papineau par Sophie Doucet, ainsi qu'un compte-rendu du livre de Gail G. Campbell, I Wish to Keep a Record'. Nineteenth-Century New Brunswick Women Diarists and their World. On vous fait aussi part de notre recherche de journaux personnels de femmes d'Acadie. Et notre bibliographie d'écrits personnels se poursuit. Tout près du mois de novembre, on trouve des citations de fonds sur le thème de la mort.

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LA MORT

On l'appelle la camarde, la faucheuse quand ce n'est pas la fossoyeuse, la Parque quand on a des lettres, ou, avec euphémisme, le dernier sommeil ou le grand départ.Depuis quelques années, j'ai pensé consacrer un Bulletin au thème de la mort, mais sans être trop lugubre et sans éloigner le lectorat. La morosité du mois de novembre aidant, j'aborde enfin ce sujet incontournable quand on dépouille des écrits d'il y a quelques générations. En effet, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, la mort était omniprésente. Ce n'est qu'avec une amélioration du niveau de vie et des mesures d'hygiène, ainsi que des avancées de la médecine comme les antibiotiques, qu'un plus grand nombre d'enfants en bas âge vont survivre et que les gens vivront plus longtemps. Plus on avance dans le temps, moins on trouve dans les fonds des faire-parts de décès bordés de noir annonçant la perte d'un proche.

 

À Héva de Salles Laterrière, 4 mars 1900.

Les références à la mort ne manquent pas dans les écrits personnels, en voici quelques extraits :

« Je n'avais que cinq ans [1904] quand la mort vint ravir notre père [Joseph Pelletier, forgeron de Rivière-au-Renard]. Je me rappelle très bien lorsque Monsieur le Curé lui apporte le Viatique; maman nous avait agenouillés près d'elle, et répondait aux prières en pleurant... Le lendemain matin, maman vint nous habiller, et nous prenant par la main, Marie et moi, elle nous conduisit dans la chambre où papa était couché tout habillé comme le dimanche, les mains jointes et enlacées d'un chapelet. Elle nous dit : « Papa est allé trouver le petit Jésus, il est mort, tenez-vous bien tranquilles ». Papa est mort au temps des Rogations, au mois de mai, et resta enseveli trois jours complets à la maison. Je me souviens très bien du matin où le cercueil noir quitta notre demeure. Maman le suivait, et nous, grand'mère nous amena avec elle chez eux. »

Alma Joncas Pelletier, Journal de ma vie, p. 1-2

 

« Mon père est mort [en 1938] quand j'avais seize ans... J'ai toujours vu mon père très malade avec des hauts et des bas. Dire qu'aujourd'hui on fait des miracles avec le cœur. Quand il est tombé très malade, c'est très précis dans ma tête, quelqu'un me tenait près de la porte parce que c'était ses derniers moments, tout le monde était à genou, il était branché à une haute ma machine qui ressemblait à un séchoir à cheveux, et l'aumônier de la chorale lui donnait les derniers sacrements, il délirait tellement qu'il dirigeait sa messe les deux bras en l'air. Je me souviens que plus tard dans la journée, l'aumônier du syndicat de la chaussure (dont mon père était président) est venu faire un tour à la maison, il était placé au bout du lit (c'était l'abbé Boileau à l'époque) et mon père ne le reconnaissait pas du tout; il a dit à ma mère : je vais le bénir avant de partir parce qu'il n'en a plus pour très longtemps – et il est mort 10 ans plus tard ».

Gilberte Gilberte Elliott Laroche APM33, Lettre à mes enfants, p. 72-74

 

« La mort de mes grands parents [1952] m'impressionna énormément. On expose leur dépouille dans le salon de mes grands parents avec toute une décoration incroyable. Des tentures de velours noir étaient dressées derrière le cercueil qui, lui, était déposé sur un trépied avec au devant un endroit pour s'agenouiller. Des torchères étaient disposées de chaque côté du cercueil et les gerbes de fleurs entouraient la dépouille. On les revêtaient de leur plus beau costume sans oublier leur chapelet qu’on leur mettait autour des doigts, tout cela durait trois jours minimum. Toute la famille se retrouvait ainsi que les amis et voisinage du village pour des prières que l’on récitaient à toutes les heures environ…et tout ce monde à genoux surtout quand venait le curé du village. On se relayait jour et nuit. Il fallait aussi offrir à manger à ceux de passage. Quelle époque qui honorait ces parents défunts! Je me souviens que ma mère à la mort de sa propre mère était agenouillée devant le cercueil et j’étais juste à ces côtés. Elle lui toucha les mains et le front et je l’entendis me dire qu’elle était complètement froide. Cela me glaça les sangs et je frissonnai ne sachant pas quoi penser car j’avais probablement cinq ou six ans ».

Serge Lafrance APM16, Histoire de vie, p. 2

 

Bonjour Ginette, Après six nuits de travail, j'ai dormi dix heures et te reviens à propos de cette phrase et du contexte qui l'a inspiré.  Entre la chambre de la personne décédée et la morgue de l'hôpital, à chaque fois, il n'y a que ce corps que j'ai enveloppé et moi.  Assez de temps d'un dense silence pour imaginer l'océan de mémoire disparu avec cette personne et l'ampleur du réseau de ses relations tissées dans le temps, assez de temps pour réchauffer, au creuset du silence, ces chers disparus qui m'ont fait être plus.  Plusieurs considèrent que je suis bien mal pris d'être en présence de cadavres; pour ma part, passé un certain embarras à toucher un corps sans chaleur, je me sens privilégié de sortir d'une journée remplie d'occupations ordinaires pour rejoindre des canaux de rivières aussi profondes que souterraines qui me réunissent à d'autres par le cœur.

À bientôt.

Pagesy APM14, Journal

 

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COMPTES-RENDUS

de fonds déposés aux APM

 

APM50 FAMILLE BOUCHARD-LAVOIE

Alexandra Bouchard est née au Village des Aulnaies en 1912 et, dans son fonds d'archives, on peut la suivre à partir de 1926 d'abord dans ses cahiers d'écolière où elle rédige ses compositions et dessine des...., puis dans son diplôme d'enseignement et son engagement comme institutrice à Sainte-Jeanne-d'Arc, près d'Alma au Lac Saint-Jean, et plus tard dans son journal personnel entamé à 50 ans alors qu'elle est Madame Jos-Henri Lavoie et habite toujours Sainte-Jeanne-d'Arc. Au cours des trente prochaines années, elle note les changements de saisons, les préparatifs pour Noël, les maladies, les décès, les visites, les parties de cartes et les rituels religieux. Elle souligne aussi certains événements internationaux, le Deuxième Concile du Vatican, la lancée d'Apollo 13, la visite à Ottawa du président Nixon, l'inauguration de Jean-Paul II.

Au cours des années, on suit la répétition des travaux ménagers : : « Lundi. Pas grand chose au programme. Lessive comme d'habitude », suivi le lendemain du repassage, des ménages et au printemps des grands ménages, entre les pâtisseries et le ketchup vert. Pour les ethnologues et les historien.ne.s de la vie quotidienne, rien de ceci n'est trivial car ces détails témoignent de l'économie familiale, des rapport sociaux de sexe/genre, de la condition des femmes, des réseaux sociaux, et de tout autres sujets qui nous renseignent sur la vie sociale et culturelle, au sens anthropologique du terme. Au travers les énumérations de l'institutrice devenue ménagère, il y a parfois l'expression de ses sentiments, de son amour de ses petits-enfants. Elle s'avère discrète sur son époux, qu'elle appelle toujours « mon mari », jusqu'à sa mort quand elle écrit : « J.H. n'est plus », et d'ajouter : « … l'époux avec qui j'ai vécu 46 années d'endurance plutôt nuageuses qu'ensoleillées ». (16 septembre 1978). Ils ont eu ensemble dix enfants dont trois décédés en bas âge.

Son fonds renferme des photos et aussi trois précieux cahiers de paroles de chansons dont voici quelques titres : « Adorables tourments », « La Complainte de l'Empress », « Tout seul ». « Oh Dis-moi que tu m'aimes », et des douzaines encore qui devraient intéresser les folkloristes.

EXTRAITS

« Mon journal commence. 28 novembre 1962, mercredi. Ste. Jeanne d'Arc. Aujourd'hui c'est mon 50ième anniversaire de naissance, déjà rendue au midi de la vie j'en éprouve une sorte d'émotion Je ne vous raconterai pas les 50 années que j'ai vécues mais bien celles à venir. »

 

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ÉCRITS PERSONNELS ACADIENS

Dans son récent ouvrage sur les journaux personnels de femmes au Nouveau-Brunswick au XIXe siècle et au début du XXe, l'historienne Gail Campbell écrit n'avoir découvert aucun journal d'Acadiennes lors de ses recherches pour son livre I Wish to Keep a Record'. Nineteenth-Century New Brunswick Women Diarists and their World (2017). Était-il possible qu'ils soient totalement inexistants? Me suis-je demandé. Si on ne les trouve pas dans les archives publiques, seraient-ils conservés ailleurs, dans des archives régionales ou privées, ou même dans les familles ? Certaines raisons expliquent peut-être cette absence d'écrits personnels, par exemple : le taux d'analphabétisme élevé au XIXe siècle, quand il était interdit d'étudier en français dans les écoles, ou la pauvreté et le besoin de main-d'oeuvre des cultivateurs et des pêcheurs qui comptaient sur le travail de leurs enfants, lesquels devaient ainsi quitter l'école plus tôt que les anglophones.

J'entrepris d'aller fouiller, à distance, pour m'assurer que des trésors inexploités ne languissaient pas quelque part. Ma recherche a commencé par un appel à Antonine Maillet qui m'a dirigée vers Huberte Gautreau, qui elle m'a mise en contact avec Rosela Melanson, de là à Jeanne d'Arc Cormier, puis à l'archiviste de l'Université de Moncton Maurice Basque, et à ma collègue Nicole Lang à Edmunston au Centre de documentation et d'études madawaskayennes.

On m'a parlé de Marichette (Émilie LeBlanc 1863-1935), qui a envoyé plusieurs lettres d'opinion au journal L'Évangeline, un corpus publié en 1982. Maurice Basque, du Centre d'études acadiennes Anselme-Chiasson (CEAAC), à l'Université de Moncton, m'a signalé la correspondance de Vénérande Robichaud (1753-1830). Le CEEAAC renferme le fonds de Dina Léger Cormier (1855-1925), femme d'affaire de Shédiac, dont le journal personnel, de 1913 à 1925, a été publié dans la revue Sur L'Empreinte (V, 3, 2003). On trouve aussi à Moncton la correspondance de Marguerite Michaud (1903-1982), enseignante et première bachelière du Nouveau-Brunswick ; de l'enseignante Blanche-Bourgeois-Schofield entre 1958 et 1983 ; la correspondance de deux religieuses, Thérèse Roy et Cécile Robichaud (1854-1953), entre 1863 et 1916. Les notes manuscrites de Célina Bourque, conservées au CEEAC, ont été publiées dans le 37e cahier de La Société historique acadienne en 1972. Cette femme presque centenaire raconte, remontant aux récits de ses grand-parents qui avaient connu les événements de 1775, l'histoire de sa famille, ses souvenirs d'enfance, et les débuts de Shédiac et Cap Pelé.

J'ai découvert que le Centre de documentation et d'études madawaskayennes possédait les écrits de Vitaline Hébert Michaud (1907-1961), son journal intime de 1923 à 1953 ainsi que sa correspondance entre 1907 et 1961 ; de même que la correspondance de Jeanne Proux-Long (1917-1997).

Je me demande si les archives acadiennes ne sont pas là où étaient celles du Québec il y a une trentaine d'années, c'est-à-dire quand les écrits de femmes de familles de notables étaient enfouis dans le fonds de leur mari ou de leur famille. Le journal de Joséphine Marchand, maintenant publié et considéré un classique du genre, a longtemps été caché dans le fonds d'archives de son mari le sénateur Raoul Dandurand à Ottawa. Pour ce qui est des écrits de femmes anonymes, il faudrait faire appel aux familles pour dépoussiérer des liasses de lettres ou même des journaux personnels et les déposer dans un centre d'archives.

 

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VOS LECTURES

Azélie PAPINEAU, Vertiges. Journal, 1867-1868 (Introduction et notes de Georges Aubin; préface de Micheline Lachance), Montréal, VLB Éditeur, 2018, 139 pages.

Georges Aubin fait depuis des années un travail fort important en publiant les écrits personnels de plusieurs familles du XIXe siècle québécois, en particulier ceux de la famille Papineau. Il récidive cet automne avec un document particulièrement touchant, le journal d’Azélie Papineau (1834-1869), fille du chef patriote Louis-Joseph Papineau et de Julie Papineau, épouse du peintre Napoléon Bourassa et mère de cinq enfants dont le fondateur du Devoir, Henri Bourassa.

Le journal, document très court couvrant les années 1867 et 1868, les quelques lettres ajoutées en annexe ainsi que le texte d’introduction de Georges Aubin (qui puise dans d’autres fonds d’archives pour compléter le tableau), révèlent une jeune femme brillante, douée pour le piano et l’écriture, fidèle en amitié, mais aux prises avec de graves problèmes de santé mentale, liés à des angoisses religieuses et morales, qui la consumeront jusqu’à sa mort tragique à 34 ans.

Ayant grandi durant la période troublée des rébellions des Patriotes, elle expérimente très jeune l’éloignement de son père et la vie en exil aux États-Unis et en France, ce qui pour Georges Aubin peut peut-être expliquer la fragilité nerveuse dont elle sera atteinte comme son frère Lactance, à partir du début de l’âge adulte. Son rapport à la religion en est un d’extrême culpabilité. Dans son journal, elle se juge durement de ne pas assez aimer Dieu, d’être égoïste et peu généreuse, de ne pas assez aimer souffrir pour être admise au ciel… Elle écrit :

J’ai peur de vivre et j’ai peur de mourir. Peur de vivre parce que ma lâcheté ne me fait sentir que les maux présents. Peur de mourir parce que la raison, la religion, les saints et les âmes justes que je connais me font voir vaguement que mes peines ne sont rien vis-à-vis de l’éternité. (p. 101)

Azélie Papineau dépeint aussi quelques moments de bonheur et de légèreté, en lien avec la famille, la nature et la musique, mais qui sont toujours accompagnés de cette conscience que le malheur reviendra (p. 107). Elle ressent de la tendresse pour son mari, mais décrit, dans une lettre à une amie, le mariage comme une « catastrophe » et dit souhaiter à ses filles de devenir religieuses ou « vieilles filles » (p. 120).

C’est une lettre de Louis-Antoine Dessaulles, reproduite dans l’ouvrage, qui décrit la mort horrible de la jeune femme, dans une véritable crise de folie marquée par des hurlements et de l’automutilation.

L’ouvrage publié par Georges Aubin (et préfacé par Micheline Lachance) ouvre une fenêtre sur l’âme d’une femme tourmentée, révélant les effets délétères, pour certaines personnes, de la religion catholique telle qu’elle se pratiquait au Québec au XIXe siècle et l’impuissance de la médecine de l’époque pour traiter les maladies mentales. On referme le livre triste pour cette jeune femme talentueuse qui n’a pas pu s’épanouir dans la société qui était la sienne.  

Sophie DOUCET

Citations :

« Il y a pour moi dans la musique quelque chose qui me fait toujours sortir de moi-même et m’élève aussi au-dessus de la terre. Lorsqu’elle ne me pénètre pas de ces sentiments, je ne l’appelle plus musique. […] Jamais je n’oublierai qu’elle m’a presque sauvée de la folie, du moins, c’est la première jouissance que j’aie ressentie […] après plusieurs mois de ténébreuses souffrances où mon âme semblait morte à tout en ce monde, et depuis, en différents moments, elle a agi sur moi comme les chants de David sur Saül. Mon David, c’est mon mari. »

Journal, 10 janvier 1868 (p. 72-73)

« Je suis vraiment bien, bien méchante, bien au-delà de tout ce que vous pouvez vous imaginer, ou que je puisse assez le dire, mais qui sait si de vous revoir, de vous rappeler tous les beaux jours passés, ne produira pas un meilleur effet ! »

Lettre d’Azélie Papineau à sa mère Julie Papineau, écrite du couvent de Bytown où elle est internée (28 octobre 1856).

« […] dans ma nature, je suis essentiellement égoïste. Il n’y a que l’amour pour Dieu qui me changerait, et je ne l’ai pas. Comme je fuis les sacrifices, comme je crains les souffrances qui en sont la manifestation et l’aliment. Oh ! bonne mère Marie, opérez en moi ce miracle. »

Journal, 22 [février] 1868 (p. 89)

 

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Gail G. CAMPBELL, 'I Wish to Keep a Record'. Nineteenth-Century New Brunswick Women Diarists and their World. Toronto, UTP, 2017.

Pour saisir le quotidien des gens d'une autre époque, quoi de mieux que d'aller puiser dans leur journal personnel ou dans les lettres qui ont été conservés soit dans leur famille, soit dans les archives. C'est ce qu'a entreprit l'historienne néo-brunswickoise Gail G. Campbell dans un ouvrage qui reconstruit non seulement la vie de 28 femmes, de 1830 à 1910, mais aussi le monde dans lequel elles ont évolué. Toutes sont descendantes de Loyalistes ou d'immigrants britanniques.

Les journaux personnels comme source en histoire soulèvent la question de la représentativité : s'agit-il de l'ouvre de personnes d'exception ou de gens qui ne diffèrent pas de ce qu'on pourrait appeler la norme, c'est-à-dire la vie de la plupart de leur contemporains. On sait gré à l'auteure d'avoir mis en regard les écrits personnels des néo-brunswickoises avec les sources plus conventionnelles, les recensements et les journaux par exemple, pour reconstituer l'histoire telle que vécue par ces femmes du XIXe siècle.

Il y a toutes sortes de journaux, certains révèlent les sentiments plus secrets; ce ne sont toutefois pas ceux-ci qui dominent. L'énumération des tâches et des événements quotidiens occupe la plus grande place. On s'aperçoit que même le journal le plus factuel, celui qui s'apparente le plus à nos agendas, est aussi très révélateur. Tous ces écrits nous renseignent sur l'importance de la religion, sur les travaux domestiques, sur les loisirs et la sociabilité, mais on sort aussi de la sphère privée comme en témoignent l'implication d'un grand nombre de femmes à l'extérieur de leur foyer : dans le mouvement de tempérance, dans les partis politiques bien avant qu'elles puissent voter, dans les commissions scolaires, et surtout dans toutes les activités qu'elles organisent à travers leurs églises anglicane, baptiste, méthodiste ou presbytérienne. Contrairement à l'idéal victorien qui est trop souvent évoqué, il n'y a vraiment pas de démarcation précise entre les sphères privées et publiques.

Des phrases laconiques font état des travaux de la journée : « j'ai filé du lin », « j'ai tondu les moutons », ainsi que toutes les tâches liées à l'alimentation « j'ai commencé à planter les pommes de terre », « j'ai mis les carottes et les betteraves dans la cave », « j'ai fait des marinades », écrivent-elles au rythme des saisons. Et dans la soirée ou pendant les vacances, on se rend visite, on se promène en carriole, on joue aux cartes et au croquinole, entre de participer aux multiples offices religieux.

Pour qui s'intéresse à l'histoire de la famille, ces écrits personnels sont riches en renseignement sur les relations mère-filles ou entre sœurs et frères, sur les fréquentations, et sur les rapports de couple. Sauf une ou deux exceptions, ces relations sont presque toujours représentées comme harmonieuses. On est même étonnée que si peu de femmes se plaignent. S'agit-il de pudeur? Craint-on la lecture de son journal? Ou une éthique protestante inhibe-t-elle les plaintes et les récriminations?

 

Citations

« Some think the loss of a baby is nothing, and one should not grieve, but I know better ». 293

« This is Chrismas Eve but there is a good many vacant seats. It don't seem like old times, nothing is as it used to be with me. I have chnged and all is changed in the world, a great deal for not the better. We are alone tonight. There used to be seven children. All scattered about in different places now ». 127

12 décembre 1858 « There was a meeting at the [Baptist) meeting house today. Mr Keith preached from the II Chapters of Galations, first clause of the 13th vers. After meeting, we all repaired down to the water at the lake shore and there were five converts baptised. It was a solemn time then ». 194

 

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BIBLIOGRAPHIE 2018

Depuis 2011, le Bulletin a publié plusieurs bibliographies sur les écrits autobiographiques. Nous vous présentons de nouveaux titres, pas tous récents mais qui n'étaient pas dans les bibliographies précédentes, et souvent en anglais. Nous vous invitons à nous communiquer des titres qui viendraient enrichir ces bibliographies.

 

Avieson, Fiona Giles, and Sue Joseph (Eds), Mediating Memory: Tracing the Limits of Memoir. Routledge, 2017.

Baisnée-Keay, Valérie, Corinne Bigot, Nicoleta Alexoae-Zagni, et Claire Bazin, dir., Women's Life Writing and the Practice of Reading, Palgrave, 2018.

Bernard-Griffiths, Simone et Daniel Madeléna, dir., Les Relations familiales dans les écritures de l'intime du XIXe siècle français, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, collection Écritures de l'intime, 2016.

Brien, Donna Lee et Quinn Eades, dir., Offshoot: Contemporary Life Writing Methodology and Practice, University of Western Australia Press, 2018.

Brunko-Meautis, Ariane, et François Zosso, Coups de foudre de la Belle Époque. Quatre historie d'amour contées à partir de correspondances conservées dans les Archives de la vie ordinaire, Neuchâtel, Alphil, juin 2017.

Campbell, Gail G. 'I Wish to Keep a Record'. Nineteenth-Century New Brunswick Women Diarists and their World, Toronto, UTP, 2017.

Carden, Mary Paniccia, Women Writers of the Beat Era. Autobiography and Intertextuality, University of Virginia Press, 2018.

En marge de la grande Histoire. Mélanges d'histoires ordinaires offerts à Jacqueline Rossier, Revue historique neuchâtelloise, 2017, n° 1-2. Il s'agit de 14 contributions à la connaissance du passé à partir de fonds conservés aux Archives de la vie ordinaire.

Harte, Liam, (dir.), A History of Irish Autobiography. University of Manchester, 2018.

http://www.cambridge.org/gb/academic/subjects/literature/irish-literature/history-irish-autobiography?format=HB

Heidenreich, Rosmarin, Canadian Autofiction of the Early Twentieth Century, Montréal, McGill-Queen's UP, 2017.

Krimmer, Elisabeth , German Women's Life Writing and the Holocaust Complicity and Gender in the Second World War. University of California, 2018.

Lecarme-Tabone, Éliane, « L'Autobiographie des femmes », Fabula LHT, avril 2010.

Lecarme, Jacques et Éliane Lecarme-Tabone, L'Autobiographie, Paris, Armand Colin, 1997.

Lejeune, Philippe, Autobiographie et homosexualité en France au XIXe siècle, collection 'Tirés à part' n° 8, envoyé par Clive Thomson, Éditions de la Sorbonne, 2017.

Lejeune, Philippe, Aux origines du journal personnel . France, 1750-1815, Paris, Champion, 2016.

Lejeune, Philippe, Cher Écran... Journal personnel, ordinateur, internet, Paris, Seuil, 2000.

Lejeune, Philippe, Écrire sa vie. Du pacte au patrimoine autobiographique, Paris, Éditions d'auconduit, 2015.

Lucia Bodrini & Julia Novak, dir., Experiments in Life-Writing: Intersections of Auto/Biography and Fiction. Londres, Palgrave Macmillan, 2017.

Maguire, Emma, Girls, Autobiography, Media: Gender and Self-Mediation in Digital Economies. Palgrave, 2018.

Palmer, Jerry, Memories from the Frontline: Memoirs and Meanings of the Great War from Britain, France and Germany, Basingstoke, Hampshire, Palgrave Macmillan, 2018.

Rzepa, Agnieszka, Dagmara Drewniak, Katarzyna Macedulska, The Self and the World. Aspects of the aesthetics and politics of contemporary North American literary memoir by women, Poznan, AMU, 2018.

Simonet-Tenant, Françoise, dir. avec la collaboration de Michel Braud, Jean-Louis Jeannelle, Philippe Lejeune et Véronique Montémont, Dictionnaire de l'autobiographie. Écritures de soi de langue française, Paris, Champion, 2017, 848 p.

Smith Sidonie & Julia Watson, Life Writing in the Long Run, Ann Arbor: Michigan Publishing/Maize Books, 2016.

Tosato-Rigo, Danièle, dir., Appel à témoins. Écrits personnels et pratiques socioculturelles (XVIe-XXe s.), Charenton-le-Pont, Études en lettres 300, 2016.

Viollet, Catherine, « Petite cosmogonie des écrits autobiographiques. Genèse et écritures sur soi », Génésis, XVI, 2001, 37-53.

Viollet, Catherine et M.-F. Lemonnier-Delpy, Métamorphoses du Journal personnel, de Restif à S. Calle, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2006

Viollet, Catherine et Philippe Lejeune, dir., Genèse du 'Je'. Manuscrits et autobiographie. Paris, CNRS, 2000.

Watson, Julia & Sidonie Smith, De/Colonizing the Subject: The Politics of Gender in Women’s Autobiography, University of Minnesota Press, 1992.

 

Si vous vous intéressez aux journaux intimes publiés, le site du Diary Review en publie des extraits à chaque mois. http://thediaryjunction.blogspot.com/

Dès 1919, le soldat Arthur-Joseph Lapointe publiait ses mémoires de guerre : Souvenirs et impressions de ma vie de soldat. Pour en savoir plus, il faut lire l'article de Mathieu Arsenault http://histoireengagee.ca/le-difficile-retour-du-soldat-lapointe/

En balado: Nous vous recommandons l'émission de France Inter « Et si je commençais un journal? », https://www.franceinter.fr/emissions/une-bonne-tasse-d-ete/une-bonne-tasse-d-ete-09-juillet-2018

CE QUI SE FAIT AILLEURS

Le dernier numéro de La Faute à Rousseau, la publication de L'Association pour l'autobiographie et le Patrimoine autobiographique (APA), porte sur le travail des femmes.

Aux Archives de la vie ordinaire de Lausanne https://archivesdelavieordinaire.ch/

Au Center for Biographical Research, University of Hawai'i at Māna. Sur Facebook: facebook.com/CBRHawaii

Vois aussi : International Auto/Biography Association Worldwide https://sites.google.com/ualberta.ca/iaba/home

Les Presse de l'Université Wilfrid Laurier, à Kitchener-Waterloo,possèdent toute une collection consacrée aux histoires de vie. Pour la liste des ouvrages, voir Life Writing Series of Wilfrid Laurier University Press https://www.wlupress.wlu.ca/Series/L/Life-Writing

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VARIA

Nous souhaitons un bon anniversaire à Philippe Lejeune, le fondateur de L'Association pour l'autobiographie et le Patrimoine autobiographique (APA) en 1992. Il a été notre inspiration pour la fondation des APM et toutes les personnes qui travaillent sur les écrits autobiographiques lui doivent beaucoup. Pour l'historique de l'APA, voir http://autobiographie.sitapa.org/IMG/pdf/presentation_generale_apa_sept_2015.pdf

Cher Philippe. A Festschrift for Philippe Lejeune. A l’occasion des 80 ans de Philippe Lejeune, l’European Journal of Life Writing lui consacre un volume de mélanges, retraçant son parcours intellectuel et son engagement en faveur de la préservation du patrimoine autobiographique. Les articles sont consultables en ligne sur le site de la revue: http://ejlw.eu/

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